Si le 4’33 de John CAGE n’a pas encore trouvé son pendant vidéo ludique, force est de constater que ces dernières années, la tendance est d’en prendre le chemin. Délesté de ses problèmes de coût de production de support physique ou de chaîne de distribution, le Jeu Vidéo a enfin pu évoluer comme bon lui semble pour le meilleur et pour le pire. On avoue que les 5 minutes passées sur Passage nous auront plus marqué pour leur brièveté que pour leur propos artistique. D’autres considèrent a contrario qu’il s’agit là d’un chef d’œuvre. Son accessibilité permet à chacun de se faire sa propre idée.
Ces 5 minutes ne permettent donc pas à Can Androids Pray d’être le jeu le plus court auquel on n’ait jamais joué. Avouons qu’avec seulement 15 minutes au compteur, ce dernier avait quelques arguments de poids. Précisons que si passage nous laisse nous déplacer à notre guise, Can Androids Pray se résume à une lecture de dialogue et quelques choix de réponse. S’il ne gagne donc pas la médaille du jeu le plus court jamais produit, il est très certainement celui avec lequel on a le moins interagit. Ceci étant, le débat sur la durée de vie et la quantité de contenu dans les Jeux-Vidéo est aussi vieux que le média lui-même. Si vous aimez la durée de vie, jouez à World of Warcraft, Street Fighter ou League of Legend. Can Androids Pray va droit au but, et c’est tant mieux.
Là ou Passage était cependant gratuit, Can Androids Pray nous demande de débourser la modique somme de 6€39 hors période de solde. Là encore, on pourrait débattre des heures sur la pertinence du prix des jeux. On trouve aujourd’hui des brouettes de jeux Wii, PS3 ou Xbox 360 à des prix défiants toute concurrence, sans même parler d’émulation ou de Free to Play. Tout rapport temps passé/deniers dépensés est stérile. Soyons honnête, face à quelques raretés pour lesquelles on a payé le prix fort et que l’on n’a finalement jamais sorti de leur boîte, Can Android Pray ne s’en sort pas si mal.
Côté jeu, une seule scène. Deux femmes soldats sont coincées dans leurs méchas, suite à un affrontement qui les a menées droit vers une fin tragique. Beatrice tout d’abord en rage contre nous, Cortney, finit par accepter la situation funeste et s’engage sur des sujets existentialistes. On a cru, au travers du succès validant notre « première fin », que le jeu possédait moults embranchements à la manière d’un Stanley Parable. Après avoir terminé le jeu 3 fois de suite, on constate âprement que si les dialogues sont très bien écrits, nos choix n’ont d’influence que sur les deux ou trois lignes qui les suivent.
Graphiquement sans intérêt, le jeu nous offre une 3D en polygones non texturés dans laquelle il ne nous est pas même possible de diriger notre regard. Deux versions du jeu, « Red » et « Blue », cohabitent (il semble que seule la version blue soit disponible sur consoles de salon). Elles se distinguent par la couleur de l’effet de lumière sur les deux méchas. Une fioriture esthétique et un doublement de jeu dont on ne perçoit pas l’intérêt, serait-ce un hommage à Pokémon ? Côté musiques en revanche, le travail tout en nuances de Priscilla SNOW est remarquable. On ne maîtrise pas son panel d’influence électroniques, mais Trent Reznor de NINE INCH NAILS est probablement de la partie.
Reste le propos dont il est difficile de parler sans en dévoiler le contenu. Le dialogue insère de nombreux éléments hors champs qui ravissent les fans de science-fiction. Si le titre rappelle la nouvelle de Philip K. Dick qui a servit d’inspiration au films Blade Runner (Do Androids Dream of Electric Sheep), ce n’est pas un hasard. Dépassant sa propre diégèse, le jeu parvient à poser quelques idées et questions intéressantes sans toutefois apporter de réponse. Can Androids Pray est donc au jeu-vidéo ce que le Haiku est à la littérature. Une œuvre si courte et si cryptique qu’elle laisse souvent un goût d’inachevé. Est-ce seulement un bon Haiku ? On reste sceptique.