Peut-on résolument encore apprécier l’un des premiers Tomb Raider aujourd’hui ? Première série à complètement tirer parti de la troisième dimension, ses deux premières itérations avaient fait date. Contrairement à la tendance des remakes actuels, qui vise à grandement revoir la philosophie d’un jeu au gré de sa refonte, Tomb Raider Anniversary gardait l’essence de son modèle. On ne conseille donc qu’aux plus curieux de s’essayer au tout premier épisode, qui n’a donc plus d’intérêt que pour les historiens. En 2017 paraissait une démo non officielle du remake du second épisode, sur le modèle d’Anniversary. Sans surprise aucune, le projet était annulé quelques mois après. On ne saura vous dire si après cette prouesse, ce développeur amateur recevait une lettre d’embauche ou une de demande à comparaitre. Toujours est-il que depuis, tout espoir de refonte s’est évanoui.
La question qui nous reste alors à élucider est donc la suivante. Que vaut Tomb Raider II aujourd’hui ? On serait tenté de répondre que tout dépend de votre expérience avec la série. Depuis le tournant du millénaire qui a vu la série d’Eidos péricliter et renaître de ses cendres, on n’a que timidement repris contact avec ces premiers épisodes. Les faits, tout d’abord. Lara Croft est d’une lourdeur pathologique. Chaque pas, chaque saut, chaque plateforme à agripper nécessite d’abord de l’observation, de la préparation et enfin une exécution méticuleuse. Chaque piège quelque peu caché signifie une mort immédiate ou plus rarement la parte d’une majeure partie de notre barre de santé. Décidément Tomb Raider II a mal vieilli.
Mais curieusement, on persévère. Contrairement à son prédécesseur et son successeur, Tomb Raider II nous permet de sauvegarder la partie quand bon nous semble. En 1997, chaque sauvegarde et chargement nous semblait durer une éternité. Soyons honnête, face à de bons vieux jeux 16 bits, le rythme est toujours autant haché. Mais à côté des productions actuelles qui nous insèrent une diatribe de texte, scène scriptées et autres « couloirs de chargements » à intervalles réguliers, on est presque surpris de trouver la durée de ces temps de chargement (sur Playstation 2 tout du moins) acceptable aujourd’hui. Ce système de sauvegarde qui peut-être sauve Tomb Raider II aujourd’hui était pourtant sa plus grande faiblesse hier. Essayer, mourir, recommencer, le premier niveau en particulier nous enchaine des pièges retors qui exigent de multiples tentatives.
Mais ce dernier cache également quelques secrets. Tombez au fond de ce ravin qu’il faut franchir à l’aide d’un treuil et… n’est-ce pas une grotte que cette ombre semble dissimuler ? Le pixel blanc au fond n’est-il pas un objet qui ne demande qu'à être découvert ? Alors on fouille. Il est bien possible de descendre de cette plateforme en hauteur, cette grotte cache bien un couloir qui dissimule une échelle. Il faut allumer une torche et descendre, lentement, profondément. Au fond du gouffre, un T-Rex surgit de l'obsurité! Même surprise que dans le premier épisode, mais avouons qu’à chaque fois on s’y laisse prendre. Deux squelettes blanchis par le temps témoignent de l'appétit sauvage du monstre, dont on se défait finalement plus simplement que du premier mafioso perché dans les niveaux suivants.
On avoue que, malgré ses pixels datés, sa maniabilité arthritique (1), sa profondeur de champ obscure, son système de combat complètement aléatoire, son IA aux fraises compensée par la capacité incroyable des ennemis à vous voir et à vous dégommer au travers de murs opaques, Tomb Raider II nous attire encore aujourd’hui comme la lumière les lépidoptères. On ne poursuivra pas cette capsule temporelle au delà du niveau vénitien, mais on garde avec émotion le souvenir de l’exploration sous-marine d’un vaisseau fantôme. Le premier Tomb Raider a suffisamment écumé les lieux classiques du Pulp (Grèce antique, Egypte…) pour laisser à ce second épisode l'occasion d'offrir une virée rafraichissante. Entre James Bond et Indiana Jones, Tomb Raider II nous enchante encore de par ses lieux uniques.
Reste que l’on avait terminé cet épisode à sa sortie et que l’on vous restitue tout ceci au travers du miroir déformant de la nostalgie. Nos tentatives de jouir de même du troisième épisode, qui nous était alors resté interdit, ne nous ont pas autant galvanisé. A l’époque, on avait prétexté comme pour Assassin’s Creed des sorties trop fréquentes en nombre trop important. On pense cependant que cette suite souffre de sa difficulté accrue (nombre de sauvegarde limitées) et d’un level design plus confu. Le second quant à lui souffre d’affrontements brouillons et ne brille jamais autant que dans la solitude de ses niveaux les moins fournis en sbires de Bartoli. On ne le conseille donc qu’à ceux, aptes à faire un effort d'adaptation côté rétro, qui ont déjà écumé et apprécié tous les épisodes depuis Tomb Raider Legend inclu, et toute la saga Uncharted en prime. Même si ces derniers sont plus orientés TPS qu’aventure.
(1) Un défaut qui avait déjà été relevé dès la sortie du premier épisode. Dans le Player One n°69 de Novembre 1996, Tomb Raider premier du nom se mange un 75% en « Jouabilité ». Soit une note exécrable compte tenu de l’échelle adoptée alors par le magazine. Curieusement, le second épisode qui ne fait guère mieux (voire pire avec la touche L2 qui nous fait systématiquement consommer l’une de nos précieuses torches) remonte à 89% dans la même catégorie dans le numéro 81 de Décembre 97. Le texte souligne cependant à quel point le sujet divisait la rédaction.