Il y a déjà 15 ans en 2005, Square-Enix dévoilait pour le compte de Sony une démo technique reprenant plan par plan l’introduction du mythique Final Fantasy VII. Suite à l'engouement suscité, nombre de communications précisèrent qu’une refonte du jeu serait trop onéreuse pour ne jamais voir le jour. 10 ans plus tard en 2015, Square Enix profitait une nouvelle fois de l’E3 pour faire sensation en annonçant l’impossible. Sitôt l’effet d’annonce passé, ce fut la douche froide. Testuya Nomura, alors bien occupé avec Final Fantasy XV et Kingdom Hearts III, apprenais en même temps que tout le monde qu’il avait été promulgué responsable du projet. Le jeu a également été annoncé en plusieurs épisodes (impensable pour un remake) et les combats passèrent du tour par tour au temps réel. Ça sentait déjà le cramé au départ. Mais c’était un autre temps. Final Fantasy VII Remake est finalement sorti en 2020 sous de bien meilleurs auspices. Square-Enix devait revoir les choses en profondeur pour espérer faire un carton, et ils l’ont fait.
Dès la séquence d’introduction, on retrouve cet univers mélange de Steam et Cyber Punk unique en son genre dans une réalisation graphique époustouflante. Cette dernière dépasse largement la démo technique déjà vieillissante. Même les protagonistes, qui gardent cette patte japonaise propre aux débuts de l’image de synthèse, semblent plus réels que jamais. Une prouesse réalisée en partie grâce à des dialogues retravaillés et un doublage (joué en version anglaise) de qualité. Le mako vert brille de partout, les performances physiques de nos personnages sont invraisemblables. On est malgré tout complètement immergés dans ce Midgar sombre et décadent, reflet plus que jamais d’actualité de notre monde urbanisé.
Mais ce qui frappe le plus, c’est la partie action. Exception faite du superbe Einhander, il nous semble que Square-Enix n’a jamais été aussi performant sur le sujet. Manette en main, ça fonctionne du tonnerre. Chaque personnage jouable (2) a ses spécificités. Barret et Aerith privilégient la distance, lorsque Cloud et surtout Tifa sont des monstres de nervosité au corps à corps. Le jeu possède une jolie courbe de progression, qui nous permet d’appréhender chaque nouveauté avec lucidité. Ce qui n’était pas gagné compte tenu du nombre d’options qui nous est mis à disponibilité. Le système de Materia fait en effet son grand retour, sans trop divulgâcher ce qui vient normalement plus tard dans le jeu original, mais avec beaucoup de nouveautés en prime.
Quelques gros bémols ceci étant. Le jeu souffre d’un gros problème de rythme. Aux séquences d’anthologies calquées sur le jeu original se succèdent des quêtes annexes Fedex sans grande saveur. La sauce est parfois diluée à trop forte raison (le surréaliste avant dernier étage de la tour Shinra est d'une longueur éprouvante). On se dit aussi que sans tomber dans le travers d’un Open World, il y avait sûrement moyen d’avoir une géographie plus ouverte que ce long couloir, comme un hub central à la Nier Automata. Sur le plan graphique, malgré les cimes atteintes par le jeu, quelques texture disgracieuses ou des effets de crénelage d’un autre temps font parfois tâche dans l’ensemble. Côté musical enfin, de superbes réorchestrations viennent s'accoupler à des nouveaux thèmes signés HAMAUZU plus contestables (le thème du Wall Market). Mais pourquoi, surtout, nous affubler çà et là 2 pistes en simultané avec ces foutus gramophones disséminés un peu partout ? Si vous avez l’oreille musicale, vous risquez de souffrir un peu.
Malgré ces soucis, on a passé un très bon moment en compagnie de ce Final Fantasy VII Remake. Sa plus grande force, à l’image du discours à double sens de l’annonce de 2015 qui d'adressait ainsi à la fois aux protagnistes et aux spectateurs, est de pleinement embrasser son statut de remake. Le scénario se permet ainsi quelques pirouettes inattendues et joue à fond la carte de la surprise. Le remake a parfaitement conscience que son public connait par cœur les évènements de l’histoire originale. Comme un Il Giardino Armonico reprenant les 4 saisons de Vivaldi, il joue avec l’œuvre jusqu’à la défigurer et la sublimer. Ce remake tient plus de l’interprétation que de la refonte technique. On vous conseille donc, si d’aventure il était encore à découvrir, de jouer au jeu original (les premières heures a minima) avant de reparcourir ce Midgar version 2020. On a hâte de voir ce que Tetsuya Nomura et Square-Enix ont en réserve pour la suite. Les fuites sur le manque de planification globale ne sont pas rassurantes. Mais avouons qu’ils ont, sur ce premier chapitre, su faire voler en éclat nos suspicions initiales. Une grande première depuis le départ avec pertes et fracas de Sakaguchi et la fusion de 2003.
(1) 10 pour les couillons comme votre serviteur qui trop impatients ont acheté le jeu en Japonais sans en comprendre le premier mot. On avait bien galéré entre le Wall Market et les clés de la tour de la Shinra.
(2) Au nombre de 4, on sent que des prototypes pour Red XIII ont dû être laissés de côté.