Avouons qu’avec les balbutiements de l’ère du CD, le film interactif est un genre ludique qui a faillit péricliter. Certains se souviennent sans doute de Dragon’s Lair, d’autres de Night Trap. Après quelques essais sur Playstation, on pourrait croire que le genre tomba en désuétude. Personne n’avait réellement envie de débourser plein pot pour des jeux à l’intérêt et la durée de vie limitée. Plusieurs facteurs sont cependant venus changer la donne ces dernières années. En premier lieu l’évolution du jeu d’aventure, avec des titres comme Heavy Rain ou The Walking Dead, qui ont troqué leurs énigmes contre une attention portée vers le scénario. On peut également citer l’expérience de Bandersnatch, épisode spécial de l’excellente série Black Mirror sur Netflix, qui a ressuscité le genre.
Le jeux-vidéo en ligne ayant permis de réduire les prix, plusieurs studios ont récemment décidé de franchir à nouveau le pas. Her Story a fait un peu de bruit. Plus récemment, Late Shift, The Complex ou Telling L!es ne sont pas parvenus à convaincre tous ceux qui s’y sont essayés. C’est au tour du studio russe Rhinotales de s’essayer à l’exercice avec She Sees Red pour un résultat convaincant.
Tout ayant été tourné dans la langue de Dostoïevski, on vous conseille d’opter pour la VO côté voix, les doubleurs américains étant quelque peu caricaturaux. Côté sous-titres, quelques subtilités semblent s’évanouir en fonction des langues. Ne pratiquant pas le Russe, on a une préférence pour la version anglaise qui n’est cependant pas plus exempte de fautes de frappe que le français.
Ce qui nous permet d’évaluer les différentes langues est bien entendu la durée de vie extrêmement courte du jeu. Nous sommes invités à parvenir au bout du jeu par deux fois, conseil que l'on suit donc au bout des 30 minutes suffisantes pour achever la première. Un score honorable compte tenu des différents embranchements ici réalisés. En mettant de côté la possibilité initiale de ne tout simplement pas jouer au jeu, 4 fins principales sont ainsi possibles (qui peuvent faire l’objet de subtiles variations), ces dernières ne dépendant réellement que de 2 des 10 choix effectués. Reste à savoir si cela suffira à vous convaincre de débourser les quelques euros (une broutille face au coût de tels jeux dans les années 90)
Reste un thriller plutôt bien ficelé, avec de véritables idées de mise en scène et des acteurs convaincants. Cette recherche dans la mise en scène obstrue malheureusement parfois le récit. L’histoire bascule constamment entre une enquête et les évènements qui conduisent à celle-ci. Si bien qu’à force d’effets de style on peut parfois s’égarer entre les deux moments du récit (la scène du sac nous a semblée particulièrement confuse la première fois). Mais ces subtilités qui nous échappent la première fois agissent comme autant de petite friandises intellectuelles à redécouvrir sur les itérations du jeu.
On a particulièrement apprécié les cascades dynamiques et quelques effets spéciaux – ceux que l’on ne voit pas – qui permettent de ne pas sortir du récit. Précisons pour les âmes sensibles que certaines scènes sont assez crues côté violence (voire gore), et que le jeu est réservé à un public mature. Plus que des fins alternatives, on avoue avoir éprouvé un certain plaisir à découvrir quelques détails sur le scénario que seules quelques voies permettent de découvrir. On vous encourage à pousser l’expérience jusqu’à au moins découvrir les 4 fins (ce qui ne devrait pas être trop compliqué) et débloquer l’ensemble des succès (qui manquent ici une occasion de réclamer aux joueurs de pousser plus loin leur expérience).
Le tout souffre peut-être légèrement d’un tronc commun assez redondant (les premières 5 minutes, principalement). On aurait bien entendu apprécié que tout ceci ait plus de portée, mais pour un premier jeu, Rhinotales a récolté un panel de commentaires plutôt positifs. On se joint au cortège, sans toutefois tomber dans la dithyrambe. She Sees Red est complètement oubliable, ne possède pas de sens caché, mais reste un excellent divertissement.