Si pour certains, les jeux musicaux ne sont qu’une bête évolution du Simon, jeu basique consistant à mémoriser et répéter des successions de touches, pour d’autres il d’agit de l’un des rares genres qui permette d’entrer dans la « Zone ». Derrière ce nom se cache simplement la capacité de tout être humain à faire mémoriser à son corps des aptitudes physiques, au point d’avoir l’impression que notre esprit n’y est plus pour grand-chose. Si vous jouez d’un instrument ou que vous tapez vite au clavier, vous devriez savoir de quoi on parle ici. Cette sensation de détachement du corps est assez prisée des joueurs expérimentés, cela tend malheureusement à orienter les jeux auxquels ils s’adonnent vers un marché de niche. Double Kick Heroes fait partie de ceux-ci.
L’originalité est ici la mise en scène. Le monde a basculé dans l’apocalypse et votre groupe de Metal est constamment pourchassé par des nuées de zombies (et autres poulets démoniaques). Vous fuyez à bord de Sheila, une Cadillac trafiquée, tout en repoussant la horde à vos trousses. Pour ce faire, vos deux pédales (celles des grosses caisses, enfin de la batterie, pas de la voiture) ont été reliées à des armes de tir et vos/votre cymbale à une jauge permettant de lancer des grenades. La subtilité vient du fait qu’en fonction de la pédale, ce n’est pas la même arme qui est activée. Il vous faut donc bien appuyer en rythme, mais également tirer à droite ou à gauche (en bas ou en haut, avec la vue de côté) en fonction de là où se trouve la menace. Ce qui nécessite donc de faire appel à sa vision périphérique, étant donné la partition complexe qu’il nous est par ailleurs demandé de suivre. Rien de cela n’a de sens, mais dans un délire similaire au Brutal Legend de Double Fine, tout ceci est résolument Metal dans l’esprit. Côté spectacle, il y a toujours des dialogues bien funs et des références placardées un peu partout.
La configuration par défaut est un désastre (RB pour la cymbale, impossible dès que le rythme s’accélère). Autant vous dire qu’on rigole doucement quand on revoie Seb Grenier tenter l’aventure sur la guitare en plastique de Guitar Hero Live avec une configuration encore plus inadaptée. A priori, les Joycons de la Switch permettent de mieux s’y retrouver (on n’est pas convaincus). On a résolu le problème en posant la manette sur un support plat et en configurant les boutons A et B aux deux pédales et X et Y aux cymbales histoire de pouvoir y poser nos index et majeurs et d’alterner quand le rythme s’accélère. Le stick analogique droit vient bien sûr nous gêner. On suppose que cela n’est pas non plus idéal pour les modes de difficulté plus avancés, qui semblent cacher des actions supplémentaires (déplacement du véhicule lors des boss et « sniper » ?).
Double Kick Heroes ne vous demande pas de jouer la mélodie en rythme mais bien d’incarner un batteur. Il faut donc habituer ses oreilles à dénicher la grosse caisse et les cymbales dans la masse. Le Metal étant déjà un style bruitiste, il est couplé d’une panoplie d’effets sonores (tirs et éclats de zombies) qui se confondent avec l’ensemble. Ajoutez à cela que comme dans tous les jeux du genre, les modes les plus simples ne proposent que des partitions incomplètes, et le son devient presque optionnel pour performer dans ce jeu. Si les premières chansons (oui, ça chante encore au début) sont simples à suivre bien que brouillonnes, la suite finit par nous demander des réflexes d’extra-terrestre. Nos membres endoloris réclament alors des sessions de jeu courtes
El Mobo, que vous connaissez peut-être pour ses interventions sur les génériques de la chaîne NoLife (Platycoon, c’était lui) est responsable d’une grande majorité de la bande son. Tous les sous-genres du Metal y passent (à part le Doom Atmosphérique) pour une bande son moyenne bien qu’adaptée au jeu. Quelques invités de marque comme ULTRA VOMIT, CARPENTER BRUT et GOJIRA pour les plus connus s’invitent à la fête dans un mode alternatif. Mélodiquement on s’en sort mieux, mais les durées des pistes s’en ressentent d’autant plus.
On suppose que pour des batteurs adeptes de Metal en tous genres (et de Dark Wave, un peu) capable d’y brancher une batterie électronique, le jeu est une petite perle. En dehors de la partition simple de Turbo Killer de CARPENTER BRUT, on n’a donc pas atteint la « Zone », effet rare et précieux que l’on vient chercher ici en premier lieu en tant que vétéran du genre. Double Kick Heroes s’adresse définitivement à un marché de niche très réduit. Une niche si petite que même un adepte de Metal extrême et de jeux de rythme n’y trouve finalement que partiellement son compte.